Nos jeunes adultes implantés nous racontent leur vie professionnelle – Mathilde

Nos enfants devenus grands… pionniers d’une nouvelle génération de jeunes adultes sourds grâce à l’implant cochléaire, comment nos jeunes vivent-ils leurs premières expériences du monde professionnel ?

Génération Cochlée est allé à la rencontre de ces enfants des parents de l’association qui aujourd’hui sont de jeunes adultes plein d’énergie !

Mathilde, Antoine et les autres se sont prêtés à nos questions et nous racontent comment ils ont vécu leurs premiers emplois. Motivés et exemplaires, ils respirent le bonheur et la joie, quel plaisir de les lire !

Merci pour leurs témoignages et le temps qu’ils nous ont consacré !

Retrouvez à chaque newsletter le parcours singulier d’un de nos jeunes « génération cochlée » lancés dans leur vie professionnelle !

Ce mois-ci, rencontre de Mathilde, jeune adulte implantée qui réalise sa vocation : travailler auprès de très jeunes enfants.

GC : Quel est ton parcours étudiant ? (diplôme, ou niveau d’étude)

J’ai été dans une école en intégration complète avec les entendants jusqu’à obtenir mon bac ST2S (sciences santé et sociales) en 2011. J’ai fait un an de préparation aux concours d’entrée pour être dans une école de formation de diplôme d’état d’Éducateur de Jeunes enfants. L’école a duré 3 ans et j’ai obtenu le diplôme en Juillet 2015.

 

GC : En quelle année as-tu commencé à travailler au sein d’une entreprise ?

J’ai commencé en Février 2016.

 

GC : Est-ce ton premier emploi ?

Non, mon deuxième, j’ai réussi à changer d’entreprise en Août 2018.

 

GC : par quelle biais as-tu trouvé ton job ?

Par des offres d’emploi.

GC : Quel accueil as-tu reçu ?

J’ai eu un bel accueil dans les 2 embauches, étant oraliste, j’ai pu prévenir directement lors des entretiens que j’étais sourde et que j’avais besoin que l’on me parle en face de manière distincte, sans parler fort ou sans trop articuler. Les directrices ont été sensibilisées par mon handicap et m’ont acceptée telle que je suis.

 

GC : Quelles adaptations ont été mise en place sur ton poste ?

Alors, pour le premier poste en 2016, seul la Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH) a été reconnue. Mais je n’avais aucune adaptation mise en place pour mon handicap, même pas un interprète ou un codeur lors des réunions pédagogiques (car nous étions une grosse équipe de 20 personnes). J’ai dû me débrouiller par mes propres moyens, me battre auprès de l’équipe pour leur demander d’articuler, d’attendre un peu avant de prendre la parole pour que je puisse suivre mais bien entendu, cela n’était pas dans la perfection, j’ai eu quand même des lacunes. Étant très volontaire, j’ai réussi à obtenir des infos avec mes collègues les plus proches qui m’ont aidé à les comprendre. J’ai toujours réussi à compenser. Et parfois à laisser passer certaines situations.

Enfin, pour le second poste, la première année je n’ai rien eu non plus mais il existait un système d’alarme lumineux en cas d’incendie, c’était déjà installé dans les pièces où l’on pouvait se retrouver seul (vestiaires, cuisine, salle du personnel, wc). Il y a eu une collègue sourde et signante, donc la présence d’interprète était déjà prise en compte pour une réunion pédagogique en début d’année. Mais pas pour le reste de l’année 2018/2019 jusqu’à maintenant, 2020.

Durant cette année, avec la situation actuelle du COVID-19, j’ai réussi à me battre avec la directrice pour avoir des masques inclusifs, pour obtenir plusieurs solutions adaptées à mon handicap.

Par exemple, depuis quelques mois j’ai été en contact avec ma référente handicap du siège de mon travail pour obtenir plusieurs solutions :

1/ Système lumineux pour la sonnerie de la porte lorsque les parents sonnent. Grace à petite caméra intégrée devant la porte, je suis alertée lorsqu’un parent sonne et attend devant la porte,  je peux ainsi regarder la caméra afin de reconnaître le parent avant de le laisser entrer.

2/ Système de téléphone professionnel avec Bluetooth pour me connecter à mon implant. Il faut savoir que grâce à la technologie Apple et Cochlear, nous pouvons téléphoner et le son est porté directement sur l’implant, ce qui est merveilleux pour bien comprendre les appels téléphoniques. Bien sûr, cela dépend du niveau de surdité de la personne. En tout cas, moi étant dans la possibilité de téléphoner avec mon iPhone personnel, j’ai dû être contrainte d’utiliser mon numéro personnel pour appeler les parents afin de les informer d’une situation pour leur enfant. Avec le téléphone fixe de la crèche, il m’était impossible de bien comprendre et recevoir à 100% les informations données par les parents. Par conséquent, je vais bientôt recevoir un téléphone iPhone professionnel pour pouvoir communiquer dans mes droits avec les parents.

3/ Présence de codeur aux réunions pédagogiques et aux formations. Effectivement, jusqu’à aujourd’hui, j’ai toujours su me débrouiller sans codeur et en m’appuyant sur mes collègues pour leur effort de traduction. Pour les formations, cela a été très compliqué de suivre à 300% le formateur et les échanges entre interlocuteurs concernant leurs expériences professionnelles qui pouvaient m’apporter pour mon avenir professionnel. Puis j’étais très fatiguée le soir en rentrant aussi.

 

GC : Quelles difficultés as-tu rencontrées ? Quelles solutions as-tu réussi à mettre en place ?

Des difficultés, j’en ai rencontré, telles que des quiproquos ou des répétitions illimitées de mes collègues.

Avec la situation actuelle COVID, comme toutes personnes sourdes, nous sommes dans la majeure partie avec des difficultés de compréhension. C’est le cas depuis Juillet 2020, en attente des masques inclusifs légaux. Les gestes barrières sont moins respectés car des collègues retirent leur masque pour me communiquer des informations, même si je recule.

 

GC : Tes relations avec tes collègues ? Particularité ou intégré au même titre que les autres ?
As-tu un tuteur ou personne sur qui tu peux compter si tu as besoin ?

Je me suis très bien intégrée dans les 2 crèches, dans les équipes. Il est vrai que j’ai de bonnes relations avec certaines collègues proches et, avec d’autres, cela reste professionnel et neutre, dans la bonne entente tout simplement. Je suis respectée dans mon statut hiérarchique, même si je suis sourde !

Je peux compter sur toute mon équipe en vrai !
Depuis que je suis à Babilou en 2018, j’ai beaucoup de chance de connaître mon équipe qui est très solidaire avec moi.

 

GC : Y a-t-il un domaine/ activité que tu conseilles à nos jeunes implantés de privilégier ? Pourquoi ?

Pour être honnête, il n’existe pas de perfection pour les domaines ou les métiers pour nos jeunes implantés. Mais c’est à eux de vouloir se battre jusqu’au bout pour obtenir leur rêve, leurs objectifs. Les seuls conseils que je peux leur donner c’est de pouvoir insister auprès des RH, auprès des directions pour obtenir des solutions adaptées à leur handicap ou encore grâce à l’Agephip, CAP Emploi, Maison Handicap… de faire reconnaître leur droit de salarié handicapé.

GC : As-tu des conseils pour bien préparer son intégration en entreprise ?

Venir avec le sourire et l’humour « je suis sourd mais je peux être polyvalent », si par exemple l’échange paraît difficile pour la personne sourde, elle peut apporter un carnet où l’échange à l’écrit est possible.

Ne pas avoir honte d’être sourd et de le considérer comme une richesse à partager, ainsi dire à l’entretien son handicap et de pouvoir rebondir sur d’autres capacités, compétences, par exemple en étant sourd, on développe d’autres sens comme la vue (observateur +++) ou le toucher et donc cela peut être intéressant pour le métier.

Être sourd c’est aussi avoir la capacité de s’adapter plus facilement, d’être sur le qui-vive, d’être créatif et beaucoup dans l’imagination ; cela peut apporter à l’entreprise des idées innovantes…

Être sourd, c’est aussi avoir le droit d’être accompagné dans les entreprises pour obtenir des adaptations professionnelles ! Il faut prévenir dans l’entretien dès le début pour savoir si l’entreprise est dans la capacité de pouvoir accompagner le salarié en situation de handicap.

Merci beaucoup pour ton témoignage et l’énergie que tu nous transmets !