Interview d’une Directrice d’école de quartier, non spécialisée

Nous avons rencontré Mme Saint Paul, Directrice de l’Institut Sainte Geneviève à Paris, école primaire de quartier, qui accueille des enfants sourds. Un projet d’école qui fête ses 25 ans !

Bonjour Madame Saint Paul, vous êtes la Directrice de l’école primaire de l’Institut Sainte Geneviève à Paris, école de quartier privée, sous contrat d’association avec l’état.
En effet. Je me permets de préciser que l’école dépend de l’archevêque de Paris et du diocèse de Paris mais aussi d’une tutelle congrégationniste qui s’appelle « Les Filles du cœur de Marie ».

1/ Qu’est-ce qui vous a conduit à prendre ce poste et depuis combien de temps y êtes-vous ?
Le temps passe vite, cela fait 12 ans que je suis directrice de cette école primaire !
A
uparavant, j’étais enseignante, puis j’ai eu envie d’évoluer et prendre d’autres responsabilités.
Le Diocèse de Paris m’a nommée ici, et je pense que la personne qui m’a nommée a eu une bonne intuition, car je me sens totalement en adéquation avec les valeurs de l’école, notamment pour ce qui est de l’accueil des enfants sourds, mais pas que. Je pense que c’est ici que je peux déployer mes talents si j’en ai.

2/ Vous accueillez au sein de votre école des enfants implantés cochléaires. Est-ce vous qui avez décidé de les accueillir ou se sont-ils inscrits spontanément au sein de votre école ?
L’ancienne directrice de l’école a pris la décision il y a un quart de siècle d’accueillir des enfants malentendants, implantés ou pas, car à l’époque je ne sais pas même si cette technologie existait.
C’était une vraie démarche militante !
CODALI (un SESSAD) s’occupait de la rééducation des enfants malentendants, recherchait quelques écoles de regroupements à Paris pour que leurs orthophonistes, leurs enseignants soutiens, puissent travailler dans un même lieu auprès de plusieurs enfants malentendants et donc simplifier la logistique de la prise en charge de ces enfants. CODALI a donc lancé un appel aux établissements, Sainte Geneviève a répondu présent, ainsi que l’école Delacroix, dans le 15ème à Paris.
Cette décision était conjointe entre la Directrice et son équipe, car il faut vraiment que l’équipe soit partie prenante de cet accueil, cela ne peut pas être imposé.
A l’époque, toute l’équipe a donc appris le LPC (Langage Parlé Complété), qui sert de support au message auditif, cela vient en renfort. Si la récupération auditive est suffisante et elle l’est de plus en plus avec les implants cochléaires, le LPC devient moins absolument nécessaire, mais à l’époque il était indispensable.
Aujourd’hui, dans l’équipe, il n’y a plus qu’une maîtresse qui maîtrise le LPC dans notre établissement.

Pour ma part, j’ai vraiment pris le train en marche, et j’étais ravie de cette spécificité de l’établissement. J’ai donc prolongé un projet qui existait bien avant moi.
Les enfants sourds inscrits à Sainte Geneviève viennent toujours par le biais de CODALI, notre partenaire. Comme on détecte la surdité très tôt, CODALI connaît les enfants depuis leur naissance quasiment, même si parfois les surdités sont des accidents de la vie, des suites de maladies, comme la méningite, ou des suites de maladies congénitales.
Les enfants sont adressés à CODALI par l’hôpital, ensuite CODALI propose aux parents que leurs enfants soient scolarisés à Sainte Geneviève ou avec les autres écoles avec qui CODALI travaille (il n’y en a pas énormément). Ils viennent donc de toute la région, les enfants sourds scolarisés ici n’habitent pas le quartier. Certains viennent de très loin ! Cette année, j’ai une petite fille en petite section qui habite dans le 74 et qui vient tous les jours.

La règle a toujours été d’accueillir 2 enfants sourds par classe maximum. Au-delà de deux, ce serait faux de dire que l’on accueille les enfants dans de bonnes conditions.
Depuis quelques années, on a moins d’enfants sourds dans les classes, tout simplement parce que les appareillages auditifs sont de plus en plus performants, les enfants ont de moins en moins besoin d’être scolarisés dans des écoles comme la nôtre, les enfants peuvent désormais aller plus facilement dans l’école de leur quartier, l’école du choix de leurs parents, et puis suivre un protocole de soin, de rééducation en plus, comme le mercredi par exemple. Et la nécessité d’avoir des temps d’orthophonie qui ont lieu sur le temps scolaire, se fait moins sentir, elle est moins forte.
Il faut s’en réjouir ! Car c’est une raison positive et toute simple pour laquelle on accueille moins d’enfants sourds ; cette année, on en a 4 ! Quand je suis arrivée, on en avait 12.
En tout cas, ici à Sainte Geneviève, on est toujours prêts à accueillir les familles qui nous demandent à travers CODALI mais on a moins de demandes.

3/ Connaissiez-vous les implants cochléaires avant d’accueillir ces enfants ?
Quand je suis arrivée ici, je ne connaissais vraiment rien du tout sur la surdité. J’ai appris, on m’a expliqué, je me suis renseignée, maintenant j’ai une petite expérience sur l’accueil de ces enfants. Je n’ai jamais eu d’appréhension par rapport à ça, car j’ai toujours senti que cela faisait vraiment parti de l’histoire de l’école. Ce que j’ai appris, ça a plutôt été un enrichissement, une découverte sur un monde que je ne connaissais pas du tout, ça ne m’a pas « rassurée », car je n’avais pas besoin d’être rassurée.

4/ Proposez-vous un accompagnement spécifique pour l’accueil et l’intégration de ces enfants ? Pour les élèves de leur classe ? Pour leur Maîtresse ?
Nous nous appuyons totalement sur le partenariat avec ce centre de soin qu’est CODALI, qui assure le noyau dur des soins en termes d’orthophonie, de rééducation, de suivi…
L’école s’engage à ce que les enfants fassent cette rééducation sur le temps scolaire, et à l’école, et que cela ne pose pas de problème. L’école s’engage aussi, c’est la base de notre partenariat, à ce que les enfants puissent s’absenter une demie-journée par semaine, au moins, toute l’année (par exemple le mardi après-midi pour les primaires), pour aller dans le centre CODALI dans le 15ème, rue de Javel, et suivre aussi là-bas des rééducations spécifiques.

De plus, le personnel de CODALI va prendre un temps avec la future maîtresse pour lui expliquer les spécificités de l’enfant par rapport à sa surdité, et surtout se mettre d’accord avec elle sur la prise en charge, l’emploi du temps, le process.

5/ Comment avez-vous présenter ces enfants à leur maîtresse et leurs camarades de classe ?
Il n’y a même pas à expliquer aux enfants, c’est tellement rentré dans l’organisation de l’école, c’est tellement normal que les enfants ne se posent même pas de questions. Ils ont bien compris que l’enfant était sourd et qu’il a des choses à faire en lien avec ça. Mais surtout, comme dans notre école il y a une classe par section, les enfants se connaissent depuis le CP, parfois même depuis la maternelle, ils sont donc habitués à vivre avec des enfants sourds, ils ne les différencient pas, même s’ils ont vu que ces derniers avaient un « je ne sais quoi » de différent, mais comme tout le monde, nous sommes tous différents sous un certain aspect. C’est naturel pour eux.

A partir du CE2, dans le courant de l’année, une personne de CODALI vient expliquer aux enfants de la classe le fonctionnement de l’oreille, avec un aparté sur l’implant cochléaire, car ils peuvent être curieux de savoir comment fonctionnent ces appareils. Cette « présentation » est plus comme une occasion pour les enfants d’avoir plus de connaissances sur l’audition, en terme d’ouverture d’esprit, que de découvrir une « différence » entre eux. Ce n’est donc pas une information ou une nécessité d’intégration. Pour eux, c’est un non sujet.

On ne présente donc pas spécialement ces enfants, c’est une intégration naturelle, puisque les enfants se connaissent depuis toujours et que c’est totalement ancré dans l’école depuis très longtemps. Ici, c’est comme ça !

6/ Selon vous, à quel moment vous semble-t-il important que les parents discutent avec l’équipe enseignante ou  la direction pour expliquer la situation (avant la rentrée, après, seulement aux ESS etc.)
Au moment de l’inscription, je sais forcément que l’enfant est sourd puisqu’il vient par l’intermédiaire de CODALI, qui me dit quelques mots sur l’enfant, et lors de son inscription on ne parle pas que de ça, car on ne va pas réduire l’enfant à sa surdité, mais cela fait partie des informations que j’aborderai.
Au niveau pédagogique, il y a des temps plusieurs fois dans l’année où nous nous réunissons selon différents modes, soit toutes les maîtresses avec le personnel de CODALI, soit des temps plus réduits regroupant l’enseignante d’un enfant sourd et les personnes qui s’en occupent dans la classe.
Par ailleurs, il y a toujours la formalisation obligatoire d’une ESS, qui est une réunion de suivi de scolarisation, un peu plus formelle, qui se fait avec un représentant de l’éducation national, les parents et toutes les personnes qui, à l’école et en dehors de l’école, s’occupent de l’enfant. On va donc se rencontrer les uns les autres pour ajuster au mieux le suivi scolaire de l’enfant.

7/ La présence d’un enfant sourd implanté modifie-t-elle le fonctionnement de la classe ?
Comme je le disais précédemment, oui cela modifie l’emploi du temps, mais surtout cela apporte un changement sur la dynamique d’école, et cela sur deux aspects.
De manière plus fine, j’observe depuis plusieurs années le fait que les enfants vont être sensibles inconsciemment à l’attention que l’on porte à ces enfants un peu plus fragiles, et que par capillarité, ils vont reproduire entre eux cette attention, mais pas que à l’attention des enfants sourds. Cela participe énormément à la sérénité qu’il peut y avoir dans l’école (même s’il peut y avoir des bagarres, mais comme dans toutes les écoles).

Je pense même que globalement, au sein de Sainte Geneviève, les enfants sont très gentils les uns avec les autres, très attentifs, de manière générale. L’intégration des enfants sourds n’est pas la seule raison mais que cela participe à ce climat de bienveillance et d’attention aux autres. Les choses ne sont pas dites, on ne va pas dire « il faut que vous soyez gentils avec untel qui n’entend pas », c’est assez subtil, les enfants sentent que les adultes font attention, du coup ils reproduisent cet exemple.
Par ailleurs, cela « sélectionne » aussi les enseignantes, c’est un peu iconoclaste de dire cela, mais c’est une vraie réalité. Ce n’est pas moi qui choisis les enseignantes, mais lorsque nous en avons qui postulent (via des protocoles hyper normés, avec des commissions de l’emploi…), et que je les reçois en entretien, je leur explique le projet de l’école pour être sûre qu’il y ait une bonne adéquation entre les attentes des uns et des autres, notamment je parle de l’accueil de ces enfants sourds, en mettant en avant ce que cela a de riche et de positif et sans non plus ignorer les contraintes (notamment par rapport à l’emploi du temps).
Les enseignantes qui n’ont pas envie de faire cet effort ne poussent pas leur candidature. Par conséquent, les enseignantes arrivent ici en connaissance de cause, elles sont au-dessus de la norme en termes de souplesse, d’intelligence émotionnelle, de capacité d’adaptation. Cela renforce la qualité de l’école. C’est donc positif pour tout le monde.

Le bénéfice de l’accueil de ces enfants sourds est immense, parce qu’il concerne l’ambiance de l’école et la « qualité » pédagogique des enseignantes.

8/ Ont-ils des difficultés d’intégration ? Ou pas plus qu’un autre enfant ?
Ici, ils n’en ont pas, mais je constate que, selon l’âge des enfants, généralement aux alentours du CE2/CM1, arrive toujours un moment où les enfants ne vivent pas bien leur différence.
Ils se rebellent un peu contre les contraintes que cela représente pour eux, les sorties, les absences, les transports, car quand ils reviennent en classe, il faut qu’ils reprennent le train en marche, il faut qu’ils soient très adaptables et très souples aussi.
Par exemple, vous commencez la classe, à 9h l’orthophoniste vient vous chercher, vous revenez à 10h, à 10h la classe est en train de faire ça (même si la maîtresse fait attention à ne pas avoir commencé la leçon du matin avant que l’élève ne soit revenu)… C’est pas forcément très drôle, c’est même très contraignant et fatigant.

Il ne faut pas oublier que ces moments d’absence pour la classe sont des têtes à têtes pour l’élève, avec l’orthophoniste ou le personnel de soutien, cela leur demande beaucoup de concentration, ce n’est pas pareil qu’être en groupe classe à « écouter vaguement la maîtresse », c’est un vrai cours particulier.
Il y a aussi toutes les contraintes inhérentes à l’utilisation du matériel, la fatigue, la piscine où il faut enlever les implants, gérer les piles… Même avec tous les progrès technologiques, c’est tout de même une sacrée aventure que de naître sans audition.

En maternelle, les enfants ne se posent pas trop de question, ils n’ont pas encore la maturité. Vers 7/8 ans, cela devient psychologiquement plus difficile pour ces enfants, et c’est aussi un des rôles de CODALI de proposer aux enfants un accompagnement qui leur permette de dépasser ces difficultés.

9/ Y a-t-il des activités qu’ils ne font pas, par rapport aux autres enfants ?

Ils font toutes les activités, même la piscine, car ils peuvent nager sans leurs appareils et aussi car il existe aujourd’hui des appareils qui vont dans l’eau, j’ai un ou deux enfants qui ont ça. Étant encore petits en primaire, ils ne sont pas très autonomes, la maîtresse est donc aussi là pour les seconder avec leurs appareils.

Je voulais ajouter quelque chose d’important, en lien avec ces évolutions technologiques, comme ils peuvent presque tout faire comme les autres, on a tendance à oublier que les enfants sont sourds. Il reste des enfants malentendants et l’artifice n’a pas remplacé la nature. Ils peuvent donner l’illusion qu’ils entendent comme les autres, au risque de redoubler d’efforts et de fatiguer encore plus.

Il y a 25 ans, quand les enfants sourds étaient scolarisés ici, c’était visible et audible dans leur élocution, on ne pouvait pas les oublier ou ignorer le fait qu’ils étaient sourds, forcément nous étions toujours rappelé à leur surdité, les maîtresses faisaient toujours attention, à articuler, placer l’enfant en face d’elles, lui parler en face à face, ne pas parler trop vite…
Aujourd’hui, les enfants étant parfois implantés très tôt, ils ont une récupération auditive et langagière très bonne, et heureusement, du coup, on peut assez vite oublier qu’ils sont sourds, alors qu’ils ont les mêmes besoins en termes de dictions, d’articulation (…) qu’avant.
C’est le revers de la médaille du progrès. Cela ne doit pas nous faire oublier que ce sont des enfants malentendants et que la technologie ne remplace pas l’oreille naturelle.

10/ Les enfants ont-ils des soins (orthophonie ou autre) au sein de l’école et si oui, comment cela se déroule-t-il ? Ont-ils un espace réservé pour cela ?
Tout à fait, l’école met à disposition de notre partenaire CODALI des lieux pour cela ; il y a des petites salles prévues, que l’on nomme simplement les « salles codali », pour permettre ces prises en charge d’enfants sur le temps scolaire. Ils rencontrent leurs orthophonistes, des professeurs de soutien…
Cela apporte beaucoup de confort aux enfants et aux familles que cela se fasse ici à l’école.
Je tiens à redire que cet engagement est une grosse contrainte pour l’école et surtout pour les maîtresses, car sur le temps scolaire, il y a toutes les semaines un ou deux enfants sourds par classe qui sont absents. C’est alors tout un exercice d’équilibriste pour faire concorder l’emploi du temps de la classe avec celui d’un enfant. Il y a toujours des arbitrages à faire, soit sur le rattrapage des leçons étudiées lors de ces absences, soit le choix les activités menées durant ces créneaux horaires, pour ne pas pénaliser les absents.
C’est toujours une demie-journée et deux fois trois heures par semaine, c’est un sacré casse-tête. Cela nécessite beaucoup de dialogue avec CODALI pour faire au mieux, et beaucoup de souplesse de la part des maîtresses, que j’admire sincèrement.

11/ Si ce n’est pas le cas et qu’ils doivent se rendre à ce type de rendez-vous, comment explique-t-on au reste de la classe leurs sorties régulières ?
Comme je vous le disais, en plus de la demie-journée organisée par CODALI, les enfants sortent deux fois par semaine, durant trois heures pour d’autres ateliers spécifiques, qui nécessitent du matériel non présent dans l’école.
Les autres élèves ne posent pas de questions, pour eux, c’est normal. Il a des implants, il a des rendez-vous pour ça. Tout comme un enfant qui a des lunettes va voir un ophtalmologue. Certes par sur le temps scolaire, mais bon.
Pour eux, c’est un non sujet.

12/ Faut-il faire une différence entre les enfants ?
Il ne faut pas oublier qu’ils sont sourds, il ne faut pas les réduire à leur surdité, ils ne sont pas que sourds, mais ils sont « aussi » sourds. Il ne faut pas oublier ce qui est nécessaire pour leur intégration, sinon on transmet mal le message. En se souvenant de cette surdité, donc de l’adaptation que l’on doit avoir dans notre attitude, dans notre langage, il n’y a pas de différences particulières car ce sont des enfants comme les autres, mais je pense qu’il ne faut pas sous-estimer l’effort que ça représente pour ces enfants, en terme d’adaptation, à la vie, la vie scolaire, les prises en charge… On peut imaginer la grande fatigue que génère une journée de classe pour ces enfants, déjà pour nous le bruit est fatigant, alors un bruit perçu par un appareil peut être encore plus grand.
L’effort aussi que cela représente pour ces enfants de se concentrer sur la parole du maître et des camarades, la fatigue que représente le bruit dans la cour de récréation, d’ailleurs certains l’expriment très clairement comme un temps très pénible pour eux. Ils jouent dans la cour avec les autres, le désir de jeu l’emporte mais ils sont fatigués plus que leurs camarades, quelques fois ils sont capables de dire que la fatigue est liée au bruit, parfois ils n’en sont pas capables mais on peut le deviner.
Cela ne se voit pas forcément, alors il ne faut surtout pas l’oublier. Ils font vraiment beaucoup d’efforts.

13/ Auriez-vous des conseils à donner aux autres directeurs d’écoles non spécialisées, aux professeurs et/ou aux élèves ?
C’est vraiment une richesse pour les enfants et pour le corps professoral que d’accueillir des enfants sourds. C’est une expérience qui enrichit tout le monde, personnellement, cela m’a appris beaucoup de choses, notamment sur la vie.
Il ne faut pas non plus sous-estimer les difficultés que cela peut représenter pour les adultes de l’école, c’est la raison pour laquelle il faut s’appuyer sur un partenariat comme nous avons avec CODALI, pour partager la charge, échanger sur les difficultés que l’on peut ressentir, être porté par l’énergie de CODALI, et nous en leur apportant notre marche en avant.

CODALI souhaite avoir des écoles de regroupement. Même si par la force des choses CODALI commence à se disperser un petit peu et à avoir des enfants répartis dans un peu plus d’écoles, cela les oblige à mettre en place des suivis plus ponctuels et moins rassemblés.
Si un directeur d’école souhaite ouvrir son école et accueillir des enfants sourds, je lui recommande de se rapprocher de CODALI.

14/ Avez-vous envie de faire passer un message particulier ?
Sincèrement, pour tout ce que ces enfants apportent de positifs, comme je l’ai dit plus tôt.
L’ironie du sort, c’est que j’ai moi-même des appareils auditifs depuis assez longtemps, liés à une surdité qui est apparue à l’âge de 35 ans, dûe à une dégénérescence des cils qui vibrent dans le conduit auditif. Lorsque l’on m’a nommée à Sainte Geneviève, j’avais déjà des appareils, mais on ne m’a pas nommée pour cette raison, ni parce que j’avais une quelconque expérience personnelle de la surdité, d’autant qu’elle n’a rien à voir avec celle des enfants, je n’ai pas eu l’expérience scolaire d’un parcours d’un enfant malentendant.

C’est un hasard total et une belle coïncidence. Cela m’a même permis de comprendre un peu plus de choses sur ma propre surdité, mais surtout, je crois que cela m’a permis plus vite de comprendre certaines difficultés, ou inconfort des enfants malentendants, d’être plus empathique, parce que j’expérimente moi-même l’inconfort que cela a de mal entendre, même avec des appareils auditifs.

La frustration que cela peut représenter de ne pas avoir entendu un message, cela m’arrive tout le temps, il y a plein de choses que je n’entends pas.
Je comprends aussi que malgré la technologie, l’oreille naturelle, quand elle ne fonctionne pas, elle ne fonctionne pas. Parfois certains rigolent et je n’ai pas compris pourquoi. Donc je comprends d’autant plus ce que peuvent ressentir les enfants qui sont dans la même situation, on croit qu’ils ont entendu parce qu’ils portent des implants, mais non, ils n’entendent pas tout.
Cela m’a aidée à être particulièrement en empathie avec ses enfants. Je crois que ça les rassure de savoir que j’ai des appareils, je leur dis quand il y a des enfants qui ont des difficultés par rapport à la surdité, je leur montre et leur explique que moi non-plus je n’ai pas compris. Le fait qu’ils me voient aussi dans la même situation qu’eux, cela les réconforte beaucoup et les aide dans l’acceptation de leur différence, car ils doivent se dire « finalement, même la directrice est sourde aussi, alors si elle a réussi à être directrice, on va s’en sortir !»

Cela me permet de justifier par ma posture et « l’autorité » que j’ai, le fait qu’il faut faire attention aux enfants dans la classe qui sont sourds, mais sans mettre d’emphase dessus.
Le message passe aussi par moi.
Je me dis que ce n’est pas totalement un hasard si j’ai été nommée ici !

******Merci beaucoup pour le temps que vous nous avez consacré. ******